Dans sa poésie et ses écrits en prose, Mallarmé met en scène des êtres fabuleux, hybrides : faune, sirène, chimère, héros. Les emblèmes mallarméens de l'hybridité, comme le thyrse, l'éventail ou les ailes articulées sur un point central qui tend vers le vide, désignent un point de jonction, un lieu de passage entre des réalités ou des états dont il est malaisé de penser les rapports et plus encore l'union : la nature et l'artifice, le dehors et le dedans, l'instinct et la raison, le terrestre et le divin. Les emblèmes mallarméens de l'hybridité désignent une opposition indépassable pour la raison. En donnant à voir des formes composées, analogues à celles que Bakhtine analyse dans son étude du corps grotesque, ils esquissent un mouvement discret de réconciliation, tout en maintenant en définitive, faute d'un dépassement dialectique à la manière hégélienne, une contradiction irréductible au discours rationnel. C'est pourquoi la poétique de l'hybridité est liée chez Mallarmé à une rhétorique du mouvement -- va-et-vient, oscillation -- et de l'allusion, du silence ou, du moins, du demi-mot, à un mode d'expression qui récuse le discours analytique au profit d'emblèmes évasifs, propres à suggérer sans expliciter.