Christophe TESTARD Si l'on veut bien croire que le processus d'adoption d'une décision publique est l'une des concrétisations de la démocratie, la présente étude pose nécessairement la question plus générale du rôle démocratique des associations, du moins de leur intervention dans l'organisation de notre démocratie. Et de ce point de vue, considérer que les associations sont des acteurs essentiels de la démocratie est d'une banalité sans nom : tout n'a-t-il pas été dit, depuis Tocqueville notamment, qui voit dans l'association l'institution qui permet aux citoyens de rechercher « l'intérêt bien entendu », comme forme de rencontre entre l'intérêt particulier et l'intérêt général ? L'une des formules utilisée dans De la démocratie en Amérique est marquante : « dans les pays démocratiques, la science de l'association est la science mère, le progrès de toutes les autres dépend des progrès de celle-là » (tome 2, partie II, chap. V). Les études de science politique 1 , de sociologie, etc ne cessent de le confirmer depuis : le rôle politique des associations est net, tout comme leur apport à la démocratie, au point que l'on évoque un « associationnisme » qui prône « une extension de la démocratie par l'action volontaire de citoyens libres et égaux » 2 .

L'évidence n'obère cependant pas la nécessité de réfléchir aux modalités d'intervention des associations dans nos démocraties et dans le processus d'adoption de la décision publique, car ces modalités sont fluctuantes et très certainement un bon indicateur de la vitalité ou de la santé de notre système démocratique. On pense en particulier ici au tournant néolibéral de nos démocraties qui, en redéfinissant le rôle de l'État, en instituant la « société de marché » 3 et surtout en considérant que la démocratie n'est pas un système illimité, voire qu'elle peut être excessive, renouvelle l'analyse des rapports et des apports du public et du privé. Un rapport piloté par Luc Ferry et le Conseil d'analyse de la société, rédigé en 2010 et portant sur La représentation du monde associatif dans le dialogue civil relevait dans ce contexte une forme de renouvellement du rôle même des associations qui « remplissent une fonction irremplaçable dans la transposition des problèmes, espoirs ou idéaux privés en projets sociaux identifiés, sur lesquels les responsables politiques de tout bord peuvent alors prendre position et faire des propositions » 4 .

Si l'on se concentre dans ce cadre sur le rôle des associations dans le processus décisionnel, on remarque que, du point de vue de l'analyse juridique, le sujet est en France quelque peu délaissé au profit d'autres questions, en particulier le financement public des associations, la gestion des conflits d'intérêts : c'est-à-dire en somme des liens descendants entre la puissance publique et les associations. Ce déséquilibre doctrinal est logique, il corrobore la perception d'une action publique verticale et descendante que l'on entretient encore trop souvent en France et il renseigne sur la manière dont on perçoit notre droit public et en particulier notre droit administratif 5 . Là encore, on citera Tocqueville qui jugeait, sans doute excessivement, mais avec une formule qui a quelque pertinence encore en 2024 : « partout où, à la tête d'une entreprise nouvelle, vous voyez en France le gouvernement et en Angleterre un grand seigneur, comptez que vous apercevrez aux États-Unis une association ».

Le sujet de « l'association, porte-parole local » suppose sans doute un autre point de vue, même si sa formulation vient très largement cadrerpour ne pas dire briderla réflexion puisqu'il s'agit de réfléchir aux associations en tant que porte-parole et uniquement dans le champ de l'action publique