La guerre d'Indochine, laboratoire de l'alliance franco-américaine (1952-1954)
Résumé
En 1953, l'Administration Eisenhower consent une aide financière et matérielle considérable à l'effort de guerre français en Indochine (les deux tiers du budget de guerre). En 1954, après la défaite de Diên Biên Phu et le rejet de la CED, le gouvernement américain considère la France comme un pays dont il doit réduire la capacité de nuisance, au plus vite. Désormais, l'administration Eisenhower lui dénie le rang de troisième grand Etat occidental. Comment en arrive-t-on à une situation aussi contrastée ? Ce constat cruel provient des nombreuses déceptions infligées aux dirigeants américains par les autorités françaises. En effet, contrairement à leur politique officielle, les cabinets Mayer et Laniel n'ont jamais eu l'intention de reconquérir l'Indochine. Pourtant, en même temps, ils quémandent une aide financière américaine de plus en plus massive, dans la seule intention comptable de réduire le "Dollar Gap". De même, les responsables français écartent systématiquement les conseils des états-majors américains, dont certains se révèlent parfaitement pertinents, avec le recul, par exemple la nécessité de renforcer l'aviation de bombardement, dont l'insuffisance se fera cruellement sentir à Diên Biên Phu. Au lendemain de la défaite, le général-président Eisenhower perd toute confiance dans les capacités militaires de la France et en tire de sombres conclusions quant à sa capacité à faire face, sur le théâtre d'opération européen. Ce qui aurait pu devenir une grande entente stratégique entre la France et les Etats-Unis, sur la base des accords de 1953 à propos de l'Indochine, cède la place à un renouveau de la "Special Relationship" anglo-américaine et à la marginalisation croissante de la France dans l'OTAN.